Les créateurs verriers promotion 30 sont dans leur seconde année de formation : ils affinent leurs connaissances techniques et leurs projets artistiques et design. Objectif : devenir un·e artisan·e d’art averti·e et même créer son propre atelier. Découvrons leur univers !
Jeanne, peux-tu nous expliquer ton parcours avant d’arriver au Cerfav et pourquoi tu as choisi de suivre cette formation ?
Jeanne : Après un bac littéraire avec des options artistiques, je me suis engagée dans une voie universitaire : j’ai obtenu une licence de philosophie à Tours, puis j’ai entamé un master de littérature comparée à Paris. J’ai travaillé sur la théorie de la fiction, la fabrique de l’imaginaire, entre textes et images. Certes cela nourrissait activement ma réflexion mais il me manquait vraiment quelque chose pour la suite.
J’ai ainsi décidé de me réorienter vers de l’artistique, du concret, du manuel, pour exprimer au travers de dessins, et surtout d’objets, tous les concepts que j’avais emmagasinés jusque-là. En effet, j’avais besoin que mon univers conceptuel et imaginaire se manifeste en-dehors de la page et des mots, que cela devienne volume, que cela sorte des pages de mes carnets à idées et à histoires. Ainsi, au bout d’une année de pause au cours de laquelle j’ai découvert le Cerfav, je me suis lancée sur la voie de l’artisanat d’art verrier en intégrant la section vitrail.
Et choisir l’option vitrail, c’était pour quelle raison en particulier?
Pendant mon année de pause, le premier artisan d’art que j’ai rencontré était vitrailliste. J’ai pu faire des stages à son atelier. Le contact avec le verre plat m’a immédiatement plu, surtout lorsque l’on passe aux étapes de décoration (peinture, gravure, etc). Dans le vitrail, il y a vraiment un aspect « page » qui évoque l’imaginaire, surtout celui de la bande dessinée. Au lieu des lignes blanches, ce sont les lignes de plombs qui déterminent le rythme des images. Ce serti métallique m’intéressait d’autant plus qu’il se rapproche du bijou. Le monde de la parure, lié à celui des histoires, c’est ce que je veux réaliser dans mon futur atelier verrier.
Quel est ton ressenti sur les premiers mois de cette seconde année de formation ?
On a beaucoup plus de liberté parce qu’on a acquis les techniques liées au CAP passé l’an dernier. On connaît les lieux, on connaît les ateliers, ce qui nous permet d’avancer en autonomie. En parallèle, il y a des modules où l’on découvre de nouvelles techniques (pâte de verre, dalle de verre, etc), ce qui permet d’enrichir nos connaissances et d’ouvrir davantage nos horizons techniques pour les projets de diplôme. Pour ma part, même si je consacre beaucoup de temps à ces projets, je profite néanmoins des moyens humains, techniques et matériels que le Cerfav met à notre disposition pour me projeter pour la suite, en réalisant des échantillons, des tests, en vue de mon activité future, à la frontière entre le vitrail et le façonnage à froid.
Sur quelles thématiques vas-tu travailler pour tes projets cette année ? Est-ce que ce sera lié à ce que tu as abordé durant tes études précédentes ?
Oui, je pars de mon intérêt pour la fiction. C’était ma matière d’étude, tout autant qu’un loisir ; j’ai toujours écrit des bribes d’histoires. Aujourd’hui, je veux partager ce lien que j’entretiens avec l’imaginaire, un lien qui résonne en moi comme un besoin et qui grandit avec moi, se métamorphosant au fil de mon parcours. Désormais, le verre me permet tout autant que les mots, de cultiver mes univers. Avec mon projet art, j’espère donc convier mon public à un « Festin d’univer(re)s », où l’on façonne ce que l’on aime consommer : des histoires à l’image de mets qui nous réunissent autour d’une table-établi animée par l’amour de la langue…
Et tu te dirigerais vers des choses figuratives ?
A l’image du repas symbolique que je proposerai, l’esthétique du projet sera plutôt abstraite. Il s’agira plutôt d’évoquer avec une palette de couleurs spécifiques et des motifs explicites, le caractère organique de l’instant, intimement lié à des dynamiques naturelles, héritées du monde végétal.
La stylisation des formes sera également au cœur de mon projet design, « Pérégrines », une gamme de bijoux narratifs. A l’instar de ce que je souhaite concrétiser dans mon atelier, je pars d’un univers personnel, forgé il y a presque dix ans, que je transpose dans le verre. Quelques signes suffisent à éveiller l’imaginaire, à tisser des ponts entre les mondes matériel et spirituel, à poser les jalons d’une histoire. Ce sont la silhouette d’un faucon en piqué survolant une lande brumeuse et moussue qui se réuniront dans une série de parures évoquant le Pays de Thel, une société sauvage et délicate de femmes guerrières.
La technique du vitrail peut être utilisé pour des bijoux ?
Tout à fait. Dans mon projet design de l’année passée, j’ai travaillé sur la transposition du serti métallique du vitrail dans le bijou en utilisant du laiton plutôt que le traditionnel serti Tiffany. Cette année, c’est surtout le verre plat, matière de base du vitrailliste, que je réinvesti dans mon projet de bijoux. En partant de verre plat industriel, mais surtout en fabricant mes propres plaques de verre, je cherche à façonner à froid un ensemble d’éléments, dont des perles, à composer selon plusieurs assemblages symboliques.
Avec mes deux projets, je cherche à raconter des histoires en objets, en alliant mon ancien parcours littéraire à mon nouveau parcours artisanal qui a débuté par ma rencontre avec le vitrail.
Vous pourrez retrouver les prochaines étapes des projets de Jeanne Bouchot sur notre site. En savoir plus sur la formation créateur verrier.