[Expo] « Femmes de verre, femmes de verrerie »


Thématique de l’exposition

L’exposition « Femmes de verre, femmes de verrerie » prend place à la galerie|Atelier du Cerfav du 30 octobre au 30 juin 2021. D’abord dévoilée au Musée du verre de Charleroi (Belgique), elle met en lumière et questionne la place qu’occupe la femme dans le monde du verre. On peut y retrouver une trentaine d’exposantes, toutes issues de la formation créateurs verriers proposée par le Cerfav, offrant un large panorama des promotions de créateurs verriers, depuis l’ouverture du Centre de formation de 1991 à aujourd’hui.

Ae Young Jeong, Esclave de la beauté
Diaporama des oeuvres de l’exposition « femmes de verre, femmes de verrerie »



En lien avec l’exposition, voici des extraits de l’intervention de Denis Garcia, directeur du Cerfav, lors d’un colloque organisé sur le thème de la place de la femme dans le monde du verre.


A travers un récit chronologique, on comprend les changements et rapports au genre qui ont pu s’opérer, d’abord à la manufacture de Vannes-le-Châtel, puis plus tard au centre européen de formation aux arts verriers, le Cerfav :

« La féminisation dans les métiers du verre

1765

La ruralité de la manufacture de Vannes-Le-Châtel est partagée avec la plupart des verreries-cristalleries de cette région. A Saint-Louis-les-Bitche, Passavant-la-Rochère, Meisenthal, Wingen-sur-Moder, Baccarat, Hartzviller, Vallérysthal ou encore Portieux, elles étaient implantées au cœur de vastes massifs forestiers. 

L’organisation du travail y a toujours  été  genrée et  les rôles sociaux de l’homme et de la femme très différenciés  et déterminés, sauf durant les périodes des guerres mondiales où les femmes ont assuré la continuité de l’activité.

La verrerie de Vannes-le-Châtel créée en 1765

Schéma classique, les femmes sont aux tâches de décoration, aux finitions et au contrôle qualité ; les hommes aux travaux physiques du soufflage à la canne à la halle à chaud. Le travail est segmenté comme dans toute industrie, les zones de travail très cloisonnées. Les verriers, de toute leur vie professionnelle, n’entrevoient jamais ou rarement, le secteur de travail voisin.

Les chocs pétroliers successifs de 1973 et 1979 mettent à mal ce modèle pourtant pluriséculaire : il  est alors question de chômage et de licenciements.  Même si le syndicat à la manufacture de Vannes-Le-Châtel incite à la considération du travail du couple pour réduire les drames sociaux, les familles n’ont plus envie de voir leurs enfants trouver une place « à l’usine », c’est même une menace : « … si tu travailles mal à l’école, tu iras travailler à la cristallerie !… »

Est-ce la raison pour laquelle le Cerfav dès son ouverture aura grand peine à recruter des candidats du secteur ? Très probablement.  Pourtant la Région et l’Etat qui financent les formations auraient  naturellement souhaité privilégier les demandeurs d’emplois locaux.

Qui plus est, la représentation du verrier reste celle du souffleur travaillant à la tâche, fabriquant gobeleterie et articles d’art de la table de luxe. Même si la fierté d’être verrier et la conscience de pratiquer un métier d’exception sont présentes, peu d’ouvriers imaginent trouver un épanouissement personnel dans le travail. Si ce n’est de sublimer la noblesse du cristal ou valoriser la performance individuelle.

La création du Cerfav naît de cette intuition que l’organisation du travail de la manufacture et le type d’objets fabriqués sont à bout de course. Quelle gageure de lancer des formations aux arts et techniques du verre alors qu’on licencie à l’autre bout du village ! Mais la conviction de quelques-uns d’un renouveau possible l’emporte sur la désespérance générale.

Une idée germe : de nouveaux professionnels seraient capables de concevoir et fabriquer eux-mêmes, en toute autonomie, dans des ateliers indépendants. On évoque alors des articles dits « de fantaisie », par opposition à la verrerie-cristallerie classique de l’art de la table des grandes marques telles que Daum, Baccarat, Lalique et autres.

La construction du futur Cerfav est décidée à la place de la « maison Morlot », ancienne ferme et boucherie, implantée exactement à la sortie du village opposée  de la manufacture Daum. En septembre 1991, les premiers élèves arrivent.  Ils sont stagiaires de la formation professionnelle.

Construction du Cerfav livré en 1991


Les premières formations s’organisent en mobilisant quelques verriers locaux, anciens de la manufacture et avec le concours de plus en plus fréquent d’artisans français. Ils constituent une nouvelle génération attirée par le matériau et la création artistique.

Début du Cerfav : 4 hommes, une femme. Les « costauds » à la manoeuvre. De droite à gauche : Pascal Guernic, Jean Michel Chion, Franck Ehrler et Isabelle Poilprez, stagiaires

Même si cela étonne un peu au départ,  parmi les stagiaires, plusieurs filles s’inscrivent. Elles sont accueillies plutôt favorablement par les fondateurs. 

Elles sont titulaires de diplômes artistiques et  recherchent les propriétés de transparence, de couleur, de lumière qu’offre le verre pour concrétiser leurs projets.  Elles trouvent au centre la pratique et le contact avec le matériau qui manquaient à leur formation en école d’art.

Portrait d’Isabelle Poilprez : « …pendant la guerre, les femmes avaient pris une place… » fait-elle remarquer.

En vingt-huit promotions depuis 1991, le Cerfav accueille un public très largement féminin, presque 62%. Pendant ce temps, le CIRVA à Marseille dirigé par des femmes, accueille 217 artistes entre 1985 et 2019.  Parmi eux, 50 femmes, soit 23 % des artistes en résidence.

Répartition Hommes/Femmes pour chaque promotion Créateur Verrier du Cerfav

Les chiffres diffèrent pour l’apprentissage, autre dispositif de formation du Cerfav.

Dans ce cas, ce sont les entreprises qui recrutent. Les jeunes qu’elles adressent sont majoritairement des garçons : durant ces années, près de 800 apprentis ont été reçus et parmi eux, 297 femmes seulement, soit 37,45 %. Par une évolution lente mais certaine, les entreprises rééquilibrent le recrutement et admettent peu à peu la mixité dans leurs effectifs.

Pour animer ses formations, le Cerfav s’appuie sur les verriers, hommes et femmes, pionniers dans l’artisanat verrier en France. Les femmes apportent leurs regards, leur sensibilité et leurs expériences aux côtés de professionnels masculins.

Martine Durand-Gasselin en 1995.
Partie se former en scandinavie en 1984-85, elle explique « …Le Cerfav n’existait pas… Il n’y avait que le lycée de Moulins-Yzeures qui formait les verriers pour l’industrie… »
Véronique Monod, fille d’Eloi Monod, fondateur de la verrerie de Biot. Elle est l’une des premières femmes à souffler le verre en France. Elle s’implique très tôt dans la formation au Cerfav.
Isabelle Poilprez, enseignante

… et quelques années plus tard, l’expérience, la reconnaissance des pairs ayant fait son œuvre, retour dans l’atelier des élèves de première année : ci-dessus, Isabelle Poilprez (Promotion 2 – 1995)  enseigne  dans l’atelier à chaud du Cerfav


En France, du 18 décembre 1991 au 1er mars 1992,  l’exposition internationale du verre contemporain à Rouen, réunit pas moins de 140 artistes verriers de différents continents. Les verriers de cette époque font souvent réponse à cet événement. Le catalogue de l’exposition révèle la présence de quarante-et-un Français dont huit femmes. Soit 19,5 % des artistes verriers français.

De nos jours :
Opérant un retour sur ces trente années de Cerfav, on mesure une large présence des femmes. Elles ont exploré le verre au bénéfice d’expressions artistiques renouvelées. Le soufflage du verre reste cette technique fascinante qui se développe dans l’énergie de l’atelier et en équipe. Les femmes s’y emploient également mais alors les références du verrier “performeur“ évoluent. Place à d’autres techniques offertes par le Cerfav dans ses cursus, place à l’expérimentation, aux couleurs, aux apports de matières, place à la taille revisitée. La fragilité du verre apparaît dans des réalisations poétiques. Par exemple, Pascale Riberolles associe au verre des plumes, des coques d’oursins ; Julienne Daniaux, des picots colorés ou des gravures et sculptures.

Promotion 20 ou XX, cela ne s’invente pas. Cette année-là, que des femmes. (2013)

N’ayant pas de préjugés de recrutement, le Cerfav a recruté les plus déterminés des candidats et il s’avère qu’ils sont majoritairement des femmes. Elles portent leur esthétique, elles ont leurs préoccupations et exploitent le verre sans compte à rendre à la tradition verrière ou à la société.



Crédit : Denis Garcia, Directeur du Cerfav

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La visite libre se fait gratuitement à la galerie|atelier du Cerfav.
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