Allain Guillot exerce le métier de souffleur de verre depuis plus de 60 ans. Il est reconnu dans le métier pour ses créations en verre soufflé et ses reproductions de modèles antiques. Il a participé à la formation des souffleurs à la canne dès les débuts du Cerfav et apporte son expertise dans les gestes verriers avec rigueur et exigence, depuis de nombreuses années. Plaçant la transmission des savoir-faire au centre de sa démarche, il est venu au Cerfav du 13 au 16 février 2024 pour former les élèves aux bonnes pratiques et à la maîtrise de techniques qui demandent une grande précision.
Allain Guillot, pouvez-vous nous rappeler votre parcours ?
J’ai commencé mon métier à 14 ans, en 1962 et depuis je n’ai pas cessé. J’ai travaillé dans différentes manufactures. En 1977, j’ai installé mon atelier avec mon épouse, à Boisse en Dordogne. On y fabriquait essentiellement de l’utilitaire : des pichets, des carafes, des vases, des verres … Petit à petit, je suis venu à la création. Lorsque je travaillais en manufacture, je faisais beaucoup de « bousillage » : ce sont des pièces qui sont fabriquées par les verriers durant leur pause. Il s’agit d’art populaire, qui représente souvent des animaux, des paniers en verre …
En 1982, à Sars-Poteries, j’ai assisté au premier symposium sur le verre en France. Je me suis trouvé confronté aux créations de verriers étrangers. Lorsque j’ai vu ce qu’ils fabriquaient, je me suis dit « c’est ça que je veux faire ! ». Je n’avais pas encore la notion économique des coûts de fabrication d’une pièce artistique, car je passais beaucoup de temps dessus. Je me suis rendu compte qu’il y avait des acquéreurs pour ce genre d’objet. Je me suis donc autorisé à entrer dans la création artistique, j’ai notamment fait beaucoup de restauration.
Actuellement, je travaille encore dans la restauration, pour l’archéologie. Je fais partie de l’association française pour l’archéologie du verre depuis 30 ans. J’ai travaillé avec des conservateurs de musée, des archéologues, qui cherchaient à reproduire les procédés de fabrication de pièces anciennes. J’ai fait beaucoup de recherche sur ces sujets. J’ai aussi amené d’autres verriers à s’engager dans l’association, notamment les Infondus, qui se sont investis dans la reproduction de verres antiques. J’ai mis de jeunes verriers sur le devant de la scène dans ce domaine, ils évoluent très bien, je suis fier de leur parcours.
Quelle est votre histoire avec le Centre Européen de Recherches et de Formation aux Arts Verriers ?
Un jour, alors que je réalisais un poisson lors d’une pause, un verrier est venu me voir en disant : « il ne faut pas faire comme ça, un jour je te montrerai. ». Mais il ne l’a jamais fait. Je me suis dit à cette époque que tout ce que je saurai faire, je le montrerai ! C’est devenu ma philosophie. J’ai formé dix personnes dans mon atelier.
Ensuite j’ai participé à la mise en place du programme pédagogique du Cerfav en 1991. J’étais le premier formateur en soufflage à la canne ici, à Vannes-le-Châtel. Je suis intervenu tous les 3 mois durant les deux premières années pour voir si le programme pédagogique portait ses fruits. Le métier a depuis beaucoup évolué.
Vous n’étiez pas revenu au Cerfav depuis combien de temps ?
J’ai été un formateur régulier au Cerfav de 1992 à 2002, puis j’ai cessé d’y donner des cours. Je suis devenu Meilleur Ouvrier de France en 2004. J’ai de l’ambition personnelle, mais aussi pour les autres. J’ai toujours travaillé avec le verre, pour le faire connaître et le faire partager. C’est ma philosophie. Depuis 2002 je suis revenu trois fois : une fois en 2010 pour créer un cours avec Mohamed Zahaf (ingénieur R&D au Cerfav), sur la composition du verre et le comportement du matériau. Je suis revenu il y a deux ans pour donner cette même masterclass qu’aujourd’hui. C’est un module très compliqué (NDLR : module de fabrication des verres à pied), et comme j’ai une grande expérience pédagogique, je sais comment aborder les jeunes verriers. Je ne vais pas leur demander une reproduction exacte, mais plutôt leur apporter un cadre et leur enseigner toutes les opérations à réaliser pour faire un verre à pied.
Au vu de la longévité de votre pratique dans le verre et son enseignement, comment se déroule une masterclass avec Allain Guillot ?
Le but est de leur faire intégrer les bases en leur apportant ce cadre. La répétition est nécessaire pour apprendre, comme lorsqu’on apprend à lire, écrire ou compter.
Je leur apprends le bien-fondé de la technique, et l’utilité qu’ils pourront en avoir dans leur vie professionnelle, par exemple lorsqu’en début de carrière ils devront assister des verriers expérimentés.
Ce qui m’intéresse lorsque je forme des jeunes, c’est de créer un échange. Je leur laisse une certaine liberté pour que je puisse observer leur niveau, j’essaie de créer des liens amicaux, cordiaux, de confiance. Une fois que la confiance est installée, je peux leur apporter des conseils sur les pratiques. Je les amène vers un objectif précis.
J’ai toujours ouvert ma porte à tous les jeunes qui veulent venir se former à mon atelier. J’essaie de leur apporter toutes les chances de réussir.